L’AKE a eu l’extrême honneur et la chance formidable de recevoir le samedi 6 mai le maître de kyogen OGASAWARA Tadashi lors de son passage à Paris pour une leçon un peu particulière : les liens entre kyudo et kyogen.
Le kyogen est un art théâtral qui puise ses racines dans le Japon médiéval. Pratiqué depuis 650 ans, il est considéré comme un des arts les plus anciens ce qui lui a valu son classement par l’UNESCO au patrimoine immatériel de l’humanité en 2001. Cet art quasi millénaire n’en est pourtant pas une pratique gelée car il sait être novateur. Si à l’époque Edo, les artistes puisent dans un répertoire unique de trois cents pièces, à l’ère Meji, le répertoire se renouvelle et on voit la création de pièces plus modernes. Aujourd’hui les ponts sont maintenant nombreux entre théâtre occidental et japonais ; le plus évident étant une collaboration avec la Comedia d’ell arte.
Basé sur des scénettes d’une quinzaine de minutes, le kyogen est un intermède comique lors des représentations du théâtre No. Le comédien armé d’un seul éventail mélange mime et texte pour interpréter des situations. L’éventail est tout à la fois ; tenu ouvert à l’horizontal il devient Tokkuri, le récipient à saké, et ensuite le verre tenu à deux mains par l’amateur du breuvage. Mais cet éventail peut se faire aussi sabre ou arc ; tout est possible seul compte la créativité de l’acteur et l’imaginaire du spectateur.
Cet échange riche entre Monsieur Ogasawara et les pratiquants de l’AKE ont permis d’entrevoir quatre liens entre kyudo et kyogen :
– L’objectif poursuivi. Ces deux arts ancestraux tendent vers un absolu où archer et comédien cherchent la perfection dans le geste, travail d’une vie.
– La maturité. En kyogen, un comédien âgé de vingt ans existe à peine. A 40, 50 ans, il n’est qu’un « morveux ». Le maître d’OGASAWARA Tadashi est âgé de 86 ans, NOMURA Man. Ce brave homme que nous voyons comme un acteur accompli, considère qu’il a encore beaucoup à apprendre. De même les maîtres de kyudo pensent que ce n’est qu’à partir de l’âge de 75 ans que le tir arrive à maturité.
– Le mouvement. Le corps est vertical, le poids légèrement en avant avec un centre de gravité bas et toujours central même pendant les déplacements. Le menton est rentré afin de tirer la colonne vertébrale vers le haut. On tire ainsi le corps dans toutes les directions. Geste et déplacement sont parfaitement maîtrisés.
– La respiration. La respiration est profonde. On inspire par la nez en fermant la bouche. Si on inspire par la bouche, les épaules ont tendance à monter. On expire par la bouche. En posant les mains sur le ventre, on peut constater le travail de ce dernier.
Délaissé par le public japonais, le kyogen renferme pourtant une partie de l’âme japonaise entre burlesque, imaginaire et tradition. OGASAWARA Tadashi se montre ainsi une source d’inspiration par son travail et le cheminement intellectuel qui l’accompagne pour tout pratiquant de kyudo.